Les Inrockuptibles (Popus), 1998

UNBELIEVABLE TRUTH, Stone

Il y aurait une façon très injuste de traiter Unbelievable Truth : ne voir en ce trio anglais que le groupe du frère de Thom Yorke, l'énigmatique leader de Radiohead. Il y aurait alors une façon imméritée d'adopter le groupe ou de lui refuser l'entrée. Comme on n'a jamais fait confiance aux dynasties familiales - le fils dylan, le frangin Jagger- , on jugera strictement Unbelievable Truth sur ses chansons. Mais comme d'un autre côté, on sait que l'ADN peut aussi contenir de la musique - le fils Buckley, les frères Head- on ne lui collera pas de handicap non plus. Il n'aura fallu que les 4 chansons de Stone pour lever tout doute : si ce trio possède une grosse tête bien pleine, bien faite, elle n'a pas l'air d'une radio. C'est plutôt du côté des Amériques qu'il faudra chercher une tradition à ces chansons écrites, comme pour brouiller les pistes, à Moscou, où le jeune Yorke étudia. Dans cette Amérique à la mélancolie pudique et résolument mature, mise en scène avec luxe mais sans aucun effet lacrymal : on pense évidemment à un R.E.M. jouvenceau, à un American Music Club délivré des abysses et découvrant, aveuglé, la lumière du jour. "Ce qui m'interesse c'est d'apprivoiser une ambiance qui n'a rien à voir avec le désepoir ou le cafard. Il y a quelque chose de très beau dans la mélancolie." A un âge où on s'adonne généralement à un bruit couillon, où l'on écoute plus la testostérone que le métronome, Unbelievable Truth estomaque par sa plénitude, l'incroyable opulence de ses arrangement, déjà sage avant même d'avoir traversé la rage. Un album printanier en fera l'une des sensations anglaises de l'année. Au moins chez les plus de 30 ans.

 

 

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